L'Ecosse du Perthshire et des Highlands.
N'est-il pas plus beau pays pour la pêche ?
Des paysages montagneux, de la lande (appelée "Moor" en Ecosse) à perte de vue, de l'eau partout (des "lochs", toujours des "lochs"), des rivières, la mer au-delà des lochs, une faune et une flore préservée, et des poissons.
Je vais vous décrire mon approche de l'Ecosse vue par un pêcheur de "Brownies" (les farios) à la mouche.
La rivière Tay et ses affluents dans le Perthshire
Mon séjour écossais a commencé dans le Perthshire au nord-est de Glasgow, aux bords du Loch Rannoch et de la rivière Gaur. Encore plus en amont je découvrirai également le Loch Laidon sous la gare ferroviaire de Rannoch.
Pour vous situer, la succession des lochs Laidon, Rannoch et Tummel se termine à l'aval par la rivière Tummel. Cette enfilade de lochs fait environ 50km à parcourir en voiture à une vitesse moyenne de 50km/h. Le panorama est magnifique mais la route des locs est très longue.
La rivière Tummel est rejointe par la rivière Garry un peu au-dessus, au nord, de la ville de Pitlochry.
La Tummel dévale quelques miles jusqu'à sa confluence avec la Tay.
Ci-dessous les principaux affluents de la Tay :
Lors de mes déplacements en voiture j'ai aperçu quelques spots :
- La rivière Errochty : Une rivière au "profil truite", 10 mètres de large, un peu à la dimension de nos rivières bretonnes. L’entretien évident de ses berges (élagages raisonnés néanmoins) m’a laissé penser que cette petite rivière doit posséder une vraie richesse piscicole. En passant j'ai aperçu quelques sulfures.
- La Garry à l'amont de Pitlochry dans un canyon magnifique : Une rivière de montagne qui s’est frayé un chemin au travers d’impressionnantes falaises de granit. Au-dessus de Pitlochry la rivière s’amortit sur des plages de galets qui en disent long sur le chahut-bahut qui doit se produite en amont pendant les grosses pluies.
Sur ces plats, du pont qui surplombe la rivière, j’ai toujours aperçu des gobages.
- La Tummel sous le Loch Rannoch,
- La Tummel sous Pitlochry,
- Aberfeldy : La Tay après sa confluence avec la Lyon (Hummmm, ça sens le saumon !). Et je ne vous parle pas du parcours amont qui devait être fabuleux au coup du soir.
- Rivière Almond dans la Sma' Glen : Magnifique ! Amazing !
Vous l’aurez compris, finalement le meilleur point d'atterrissage pour la pêche dans cette région me semble la ville de Pitlochry.
D'ailleurs cette ville respire "nature et pêche" :
- Les hôtels affichent tous leur capacité à délivrer des droits de pêche,
- un magasin d'articles de pêche "Fishing tackles" au centre,
- un autre dans le centre commercial de "House of Bruar" à voir absolument : Des mouches écossaises, les cannes Hardy et Greys, des petits bijous de moulinets, d'épuisettes, des soies Orvis, waders Simms et GuideLine ...
- les magasins pour randonneurs...
La quête du permis de pêche
Partir dans un pays étranger à la pêche, sans connaissance, sans guide, pourrait paraître déraisonnable.
Mon expérience me fait dire que ce n'est pas vrai en Ecosse, du moins pour pêcher la truite (pour le saumon c'est sans doute différent). Les pubs, ces hauts-lieux du tissu social local, permettent d'obtenir des contacts avec les propriétaires des rives des cours d'eau, ou leur représentant. J'ai compris que certains propriétaires délivrent directement aux pêcheurs qui frappent à leur porte - et il ne faut pas hésiter - un permis pour la journée, 3 jours, la semaine. D'autres propriétaires confient la vente de permis à un guide local ou une association de propriétaires (un peu comme les AAPPMA françaises).
Je vais donc vous raconter mes deux expériences pour "traquer" un permis de pêche, expériences au cours desquelles j'ai savouré des moments inoubliables.
Rencontre de Lord Pierson à Rannoch Barracks
Aux alentours du Loch Rannoch, Lord Pierson règne en propriétaire terrien, au moins du pont de Gaur jusqu'au fond de la vallée, jusque la gare de Rannoch et le Loch Laidon. A vue de nez, environ une vingtaine de kilomètres de rives de la rivière Gaur et du Loch Laidon.
Ci-après le lien pour découvrir le fief de cet illustre personnalité : Rannoch Estate
C'est une discussion avec le restaurateur de l'hôtel Restaurant à la gare de Rannoch qui m'a dirigée vers les "Rannoch Barracks", un manoir au pont de Gaur. Un autre écossais, en voisin de notre gîte, m'avait également confirmé que, si quelqu'un devait m'autoriser à pêcher sur la rivière Gaur c'était bien Lord Pierson. Il avait d'ailleurs ajouté qu'en tant que locataire d'un gîte appartenant à la famille de Lord Pierson, j'héritais des droits de pêche sur sur le territoire du Lord. Sceptique sur cette logique d'héritage de droits, je préférais rencontrer Lord Pierson en chair et en os, et lui demander un accord en direct.
C'est ainsi que je me suis retrouvé aux portes des "Rannoch Barracks", au pont de Gaur.
Passés les aigles, après une brève hésitation - les rapaces ne sont pas très avenants - l'allée me conduit au manoir. Un panneau sur le premier pignon donne le ton : "Chiens en liberté. Restez dans votre véhicule et klaxonnez".
Dès mon coup de klaxon, Lord Pierson vient vers mon véhicule. Plutôt petit; rablé, de fière allure, Lord Pierson m'accueille avec le sourire.
Je ne tarde pas, par la fenêtre de mon véhicule (ses chiens de chasse guettaient), à lui expliquer que je souhaite pêcher la rivière Gaur et les Lochs au-dessus. "C'est chez moi", me dit-il. Prenez votre permis à la gare de Rannoch et pêchez où vous voulez !
Quelles mouches me conseillez-vous ?
Black Pennel, Invicta, Soldier palmer... en petite taille.
Nous nous quittons dans la plus grande courtoisie. Un sacré bonhomme, Lord Pierson !
Dès le lendemain je prends mon permis au "tea room", salon de thé très pittoresque, très kitch, de Rannoch Station (Gare de Rannoch).
Le permit m'autorise la pêche pendant 24 heures pour la somme de 8 livres. Les prix sont dégressifs.
Le parcours Mac Ducan
Autre grand propriétaire de ces contrées, Mac Ducan accorde des droits de pêche sur le Loch Eighead et la rivière Gaur à l'aval du Loch Eigheach. Loch Eigheach est aussi « Gaur Reservoir », une retenue d’eau pour alimenter la centrale électrique.
Il est vrai que j'aurais bien été tenté par le parcours aval de Mac Ducan, la rivière Gaur étant ici à son plus bel avantage : Environ 30 mètres de large, quelques courants modérés, des plats et des profonds... J'y ai rencontré un neveu du maître des lieux, au bord d'un de ces plats. Je voulais justement lui demander où commençait le parcours Mac Ducan et où finissait la section Lord Pierson, pour ne pas sortir des droits acquis auprès de Lord Pierson.
Il faisait plutôt humide, en cette fin d'après-midi et les midges étaient très agressifs. Le neveu Mac Ducan, un homme d'une quarantaine d'années, canne à mouche en main (canne fine, il devait pêcher la truite), casquette en tweed sur la tête, veste Barbour sur le dos, n'en a pas perdu pour autant sa cordialité. Il a répondu avec patience à mes questions, pendant que son garçon se baignait dans la rivière (je peux vous dire que ça n'est pas chaud!) et que ses chiens de chasse vagabondaient dans la prairie.
House of Kerrow à Cannich, au bord de la rivière Glass
Ma seconde semaine en Ecosse se passait sur les rives du Loch Ness, à Drumnadrochit, le fief du monstre Nessie.
Ici la monstromania est permanente et le business florissant. Il y en a pour tous les goûts !
Si vous y passez, arrêtez-vous au pub Fiddler's. Ses whiskies et sa cuisine y sont d'excellente composition, et le tavernier de renommée internationale quand il s'agit de dégustation de Single Malt. J'y ai dégusté un Laphroaig Double Cask de 18 ans d'âge. Inoubliable !
Mais revenons à la pêche...
Drumnadrochit est traversée par 2 petites rivières. Une des 2 aurait sans doute valu le détour à la mouche. Mais j'ai trouvé sa "grande soeur", la rivière Glass, en m'enfonçant en voiture dans la vallée de Strathglass au-dessus de Beauly. La vallée Glen Affric s'ouvre à partir du village de Cannich, voire un peu plus en amont au village de Tomich.
Je fais une escale au pub "Black Pennel" justaposé au Tomich Hotel pour m'envoyer une pinte de bière brune et demander au gérant où trouver un permis pour pêcher la Glass.Il m'oriente directement vers Kerrow House.
Je serai reçu par Brigit, la propriétaire des lieux. Elle m'offre la possibilité de pêcher de la rive droite sur 3,5 miles (5,6 km) pendant la semaine pour 30 Livres. Brigit m'explique que je pourrais me stationner dans le parc devant sa demeure.
Je note que la girouette est en forme de saumon. Il est vrai que le B&B est très orienté "pêche" (4 gîtes disponibles).
D'ailleurs un matin je rencontrerai l'époux de Brigit, le maître des lieux. Fière allure, la cinquantaine, le personnage s’impose d’amblée. Très cordial, il semblait néanmoins animé par une grande impériosité qui limita le temps de notre échange. Et pour cause ! Il m'expliqua qu'il partait à Inverness pêcher le saumon sur la Ness. "Tight Lines" lui dis-je !
Les midges écossais ne sont pas un mythe
Lors de notre ascension vers l'Ecosse, notre première nuit était prévue au Highfield Farm Touring Park de Cambridge. J'apprenais à Berverley, la gérante du camping, que notre destination était les Highlands.
Elle s'exclama : "Ahhhh ! Snow, cold and Midges !" , traduction "la neige, le froid et les midges" . Elle n'avait pas complètement tort, Beverley !…
Les midges sont des insectes qui peuvent gâcher vos parties de pêche, voire vos vacances, si vous n'y êtes pas préparés. 2 millimètres de rage, un dard d'acier qui vous transperce la peau et vous aspire jusque la moelle. Chaque piqure laisse une tache rougeâtre d'un centimètre sur la peau. Mais vu le nombre de bestioles, vous pouvez finir rouge, comme après un coup de soleil, mais avec les démangeaisons en plus.
J'ai appris, pendant le séjour, que Loch Rannoch est réputé dans toute l'Ecosse pour son caractère "midgic". Les locaux travaillent certains jours avec des moustiquaires à mailles très fines. J’ai même compris que certains jours très « midgic », la ville de Pitlochry peut être envahie d’un nuage qui oblige les habitants à sortir avec des capes en tulle (grandes moustiquaires individuelles. Vérité ou intox ? Si vous vous rendez dans le coin, commencez par acheter cette protection qui m'a paru indispensable, et le produit répulsif local pour les parties du corps non protégées (les mains notamment).
Les midges sont particulièrement actifs, en nuages plus ou moins denses, dans les zones de pâturage sur les rives des lochs et des rivières. Ils sont moins nombreux au-dessus de l'eau, en pêchant en wading. Les journées venteuses aussi vous épargnent de sa présence, car vu la petitesse de l’olibrius, il reste tapi dans les herbes ces jours-là.
Mes aventures sur la River Gaur
Les mouches
Pendant tout mon séjour je me devais de découvrir l’écosystème et identifier les mouches indigènes.
Pendant mes premières heures de pêche, alors que la météo est plutôt clémente et favorable à priori aux éclosions (temps doux, toujours un peu humide, des averses, peu de vent.. .), je ne vais pas assister à de belles manifestations d’éphémères ou de trichoptères, ou de diptères.
Lord Pierson m’avait expliqué qu’en ratant la période de la mouche de mai, j’avais perdu l’opportunité de surprendre les plus beaux poissons de sa rivière. Ce qui laisse supposer que la mouche de mai est bien présente dans ces contrées. Hum ! J’aimerais bien y être, pendant ces semaines fastes !
Néanmoins, en étudiant les bordures j’ai constaté la présence de nymphes de trichoptères, ce qui m’a d’ailleurs amené à pêcher essentiellement avec des sedges pendant mon séjour. C’est une valeur sûre dans ces contrées austères. Le Drag Sedge a été mon meilleur ami !
J’ai également identifié une espèce de plécoptère de petite taille. J’ose annoncer le terme de « plécoptère », mais je laisserai aux férus d’entomologie le soin de valider mon hypothèse sur la photo ci-dessous.
J’ai d’ailleurs retrouvé dans l’excellent magazine « FlyFishing & FlyTying » une imitation intéressante de cette bestiole dans un style appelé Clyde style. La Clyde est le second fleuve d’Ecosse, fleuve de 179km de long qui traverse Glasgow avant de déboucher dans la mer d’Irlande.
Ce style de montage de mouche permet la réalisation de mouches à petits corps sur des hameçons surdimensionnés afin d’améliorer l’efficacité des ferrages sur les beaux poissons, et notamment ceux des Lochs. Je vous laisse découvrir vous-même ce style sur les très nombreux sites web écossais qui en parlent. Ce style de montage m’a paru intéressant à relater, pour son utilisation dans le montage de nos mouches de réservoir.
Coup du soir
Dès mon arrivée en Ecosse le vendredi (les locations de gîtes vont souvent du vendredi au vendredi), et ma quête du permis de pêche le samedi, je suis au bord de la Gaur River le samedi soir vers 19h00.
J’ai décidé de pêcher un plat dans la limite amont du territoire de Lord Pierson. A l’amont de ma position, la Gaur coule paisiblement au travers d’un bon kilomètre de pâturages sur un plateau. C’est sur le haut de ce plateau que commence le parcours Mac Ducan que j’aurais également voulu pêcher, mais ce sera pour une autre fois !
Revenons à ce coup du soir.
Je me positionne à la fin du plat, avant cette cassure dans le relief qui emmène la Gaur dans le raide aval. La petite cascade qui matérialise cette cassure est précédée d’une sorte de retenue que les amateurs sauront imaginer… Je me réserve cette partie pour le moment où je serais bien dans le coup. Le plat au-dessus, une trentaine de mètres de large, présente un courant central bien marqué parsemés de pierres à fleur d’eau.
Les gobages sont réguliers, pas très nombreux et répartis sur tout le plan d’eau avec néanmoins une plus grande densité dans le courant central. Par contre ces gobages me semble principalement des gobages de petites truites.
Je commence collé à la bordure de la rive gauche, quasiment dans le raide aval, pour éventuellement surprendre une truite qui serait immédiatement à l’amont en bordure également. Effectivement je prends 2 truitelles coup sur coup. Sur cette bordure il n’y a pas d’activité manifeste. Je vais donc me décaler sur les gobages du courant central. J’utilise mon bâton de marche pour assurer mes pas. Les fonds sont traîtres, parsemés de cailloux plus ou moins gros. Pas facile de déambuler dans cette chaussée mal pavée.
Au centre de la rivière je reprends 2 truites, toujours pas bien grosses. Je comprends à ce moment-là que le sedge un peu noyé est plus pêchant. Un soupçon de salive sur le dubbing de lièvre va immédiatement noyer la mouche, et là ça va mieux. Je perçois les remous dans la pellicule. Les prises sont plus fréquentes.
Arrivé au centre de la rivière je me décide à cibler la fin du plat dans des dérives ¾ aval. Les poissons sont là, bien présents.
…Et c’est dans un gros remous bien visible en surface, bien a bien failli me surprendre, que je vais ferrer, un peu instinctivement, un beau poisson. Ma canne Daïwa Whisker 9 pieds 6 soie 5-7 en 3 brins (made in Scotland !) ploie et tient fermement ce poisson qui tente tous les coups pour me fausser compagnie. Je n’arrive pas à voir le poisson dans ces eaux sombres, le poisson lui-même ne me gratifiant pas d’une chandelle démonstratrice. J’imagine un petit saumon, une grosse truite de mer.
C’est une magnifique « brown trout » de 42 cm qui va finir dans mon épuisette au bout d’un épique combat.
Incident de parcours
Le dimanche matin qui suit ce coup du soir mémorable je décide d’entreprendre une remontée de la Gaur qui est située à 300 m du gîte. C’est une session d’exploration.
Parenthèse « Sécurité » : Je savais en atterrissant au fond de la vallée de Rannoch que les opérateurs mobiles ont quelque peu délaissé la couverture téléphonique des lieux. D’ailleurs au gîte l’accès au réseau mobiles est plutôt aléatoire selon sa propre localisation dans la maison ou en dans le jardin et l’heure dans la journée (!). C’est pourquoi j’avais prévu dans mes valises une paire de talkie-walkie qui m’ont permis de rester en contact avec ma famille, sécurité oblige : « Moucheur44 à la Base, répondez ! ».
Je démarre donc ma progression à l’aval, au-dessus des Rannoch Barracks. Les truites sont nombreuses, mais je reste sur des prises moyennes de 20 cm. Sur les bordures chaque trou cache un poisson. Le Drag Sedge fonctionne bien.
C’est ainsi que je vais progresser, et avancer encore, à l’aide de mon bâton de marche, pendant 3 heures. J’avais laissé mes chaussures de wading en France, les trouvant un peu trop défoncées pour supporter ce voyage. Alors j’ai juste des waders équipées de bottes très souples et peu protectrices pour le pied.
L’après-midi, après ce raid, je ne pouvais plus poser le pied au sol, victime d’une inflammation importante au niveau du pouce ! Aïe… les vacances commençaient mal.
Le lendemain matin je travaille mon vocabulaire pour être en capacité d’exprimer à un docteur écossais ma douleur et sa localisation, pour pouvoir nommer chaque os, muscle, ligament, tendon, de mon corps de moucheur meurtri (là j’en fais un peu de trop !...).
A 17 heures le lundi soir je suis chez le docteur au centre médical de Kinloch Rannoch. L’équipe médicale m’accueille avec une grande compassion. Le docteur, un homme d’une trentaine d’années, m’écoutera et me parlera posément pour bien comprendre l’origine du mal. La consultation terminée, le docteur me remet des anti-inflammatoires pour résorber l’inflammation du ligament au-dessus du pouce, ligament qui n’a pas supporté l’activité intense, parfois à la limite de l’escalade dans les rochers de la Gaur.
A noter que les soins en Ecosse semblent « Free of charges » (gratuits). Malgré mon insistance je n’ai pas eu à régler la visite et les médicaments.
Le lendemain soir j’étais, boitillant, à nouveau dans la rivière.
S’il fallait tirer une conclusion, plus jamais je ne partirai en voyage sans prévenir les situations les plus difficiles de pêche, et sans mes nouvelles chaussures de wading.
Rannoch Station
Rannoch Station, la gare ferroviaire de Rannoch » est à l’Ouest de Pitlochry.
Pour rejoindre cette gare il faut longer le Loch Tummel et le Loch Rannoch sur plus de 30 km. C’est la route la plus longue du monde ! Il faut compter 50 mn pour avaler ces 30 km.
La route s’achève à Rannoch Station, une gare pittoresque et isolée, sur la ligne de chemin de fer Glasgow – Fort William (au Nord-Ouest dans les Highlands). Au-delà de Rannoch Station, au nord, c’est Rannoch Moor, la lande de Rannoch, une tourbière qui s’étend jusqu’au Glen Coe, et jusqu’au Ben Nevis (point culminant de l’Ecosse).
Cette ligne de chemin de fer est un des joyaux de l’Ecosse. Beaucoup d’écossais l’empruntent à la journée pour aller randonner sur Rannoch Moor ou rejoindre Fort William pour entreprendre l’ascension du Ben Nevis. Au-delà de Fort William, la ligne de chemin de fer se prolonge jusqu’à Mallaig, un parcours de 2 heures dans un train rendu célèbre par le film Harry Potter. L’itinéraire du « Jacobite Steam Train » est classé parmi les meilleurs voyages ferroviaires du monde. Ci-dessous la traversée du viaduc de Glenfinnan par le Jacobite.
Sur le quai de la gare de Rannoch, le tea room est un endroit très kitch où l’on peut déguster cookies et scones accompagnés de thé au lait ou chocolat chaud.
L’Hôtel-Restaurant a également bonne presse et est superbement placé, vue sur la lande et les Loch Laidon et Loch Eigheach.Un joli lieu de pêche et de balades.
En contrebas de Rannoch Station le Loch Laidon s’étale sur une bonne quinzaine de km dans l’axe sud-ouest/nord-ouest. Lord Pierson, maître des lieux (ainsi que de Rannoch Station) propose un permis de pêche à 8£ la journée, y compris sur le « petit loch noir », le Dubh Lochan (au premier plan de la photo ci-dessous)). Les bretonnants remarqueront la similitude de ce nom en gaélique avec le « du » breton (noir) et le lochan, loh en breton (étang, lac) affublé de son suffixe diminutif « an » (petit lac). A droite de la photo on aperçoit la maison du ghillie (le guide) du Loch Laidon.
Dubh Lochan
Et c’est sur le Dubh Lochan que je vais réaliser ma plus belle pêche de mon séjour écossais. Ce petit Loch, au nord du Loch Laidon m’avait été conseillé par mon voisin du gîte de Kenaclacher Steading, un écossais, pêcheur également, mais davantage attiré par les gros brochets du Loch Rannoch. Un type très avenant et de bon conseil.
Ce matin-là je prenais donc ma carte de pêche pour 24 heures au tea room de Rannoch Station.
Il est 9 heures du matin. Sur les quais de la gare un jeune garçon passe le balai et un coup d’aspirateur dans la petite salle réservée à la découverte de l’écosystème de Rannoch Moor. Il est couvert d’un chapeau par-dessus lequel une moustiquaire le préserve des midges particulièrement féroces ce matin.
Je longe le parking et j’emprunte le chemin qui me mènera à Lord Laidon en 10 mn de marche. L’écossais qui habite la petite maison au début du chemin me salue chaleureusement. Au milieu de sa pelouse est planté un poteau en fer forgé. Au bout du poteau une traverse horizontale supporte plusieurs mangeoires à oiseaux. Cet homme nourrit les oiseaux de son environnement avec des graines, et son jardin est peuplé d’une myriade de passereaux.
Les premiers abords du Loch Laidon semblent très calmes. J’ai néanmoins projeté de pêcher le Dubh Lochan et je l’aborde par le Sud-Est. Il faut savoir que les rives de l’Ouest sont réservées au « ghillie », le guide local (sous l’autorité de Lord Pierson) et son canot pour la pêche en loch style (90£ la journée).
Sur la rive Est je ne perçois pas d’activité. Je remarque quelques crottes sur la rive sans identifier l’animal qui a bien pu produire ce genre de truc. Bizarre !
Je pêche avec un sedge. En contournant le loch par l’Est, mon arrivée dans le secteur Nord va me permettre de prendre une première truite de 25 cm.
Les gobages deviennent fréquents face à moi. Une léger vent de Sud-Ouest fait frisoter la surface du loch. Je suis en wading jusque la ceinture, ce qui m’a éloigné de la rive d’une vingtaine de mètres. Mon sedge atteint un gobage prometteur, à plus de 15 m.
Gobage. Ferrage. Le poisson est au bout. La canne ploie très fort. Je pense que c’est un très beau poisson et je vais le travailler avec patience pendant de trop longs instants. Il tente des départs vers le large, je perçois ses coups de tête, de gros remous de contestation, sa perte de combativité aussi, vaincu, avant de le voir, l’admirer dans mon épuisette : Je viens de pêcher la plus grosse fario que je n’ai jamais pêchée. Au moins cinquante centimètre, entre 2 et 3 livres.
Il est très beau, m’a fait énormément plaisir. Dans mon empressement de le relâcher dans de bonnes conditions, je n’ai pas pris soin de le photographier. Dommage, c’était le poisson de l’année !
La matinée ne s’arrête pas là : Une petite période de calme va me conduire à un changement de mouche. La couleur sombre de l’eau (le Dubh Lochan ne démérite pas son nom) me fait opter pour la mouche carotte si chère à notre équipe nantaise. Je veux l’essayer, la confronter aux mouches noyées traditionnelles qui m’ont été recommandées par Lord Pierson. J’ai toujours pensé que les mouches improbables peuvent créer la surprise et beaucoup de satisfaction, déjà par le fait « d’avoir osé » !
Il est 11 heures et commence un vrai festival jusque 13 heures. La Carotte frappe fort !
Je vais prendre 5 truites farios de belle taille, de plus de 40 cm, et une vingtaine de truites de moins de 40 cm, toutes en sèche avec la mouche carotte. La diversité des tailles des poissons, la représentativité de toutes les générations de truites laisse à penser que la reproduction dans ce petit loch est très satisfaisante.
Fin de chantier vers 13 heures.Ma mouche est à bout !
Je reviendrai sur les lieux pour le coup du soir, évènement qui n’aura absolument pas lieu. Rien ! Pas un gobage, le loch est d’huile.
The French Carot Fly
J’étais en plein festival au Dubh Lochan, vers 12h30, dans l’eau à 20 mètres du rivage.
Je me suis soudainement senti observé, et effectivement, je constate qu’un homme m’épie aux jumelles une cinquantaine de mètres derrière moi. Une cinquantaine d’années, un chapeau « brousse » sur la tête, vêtu comme un bourlingueur, je pense tout d’abord au garde-pêche. Mais non, accompagné de son chien, un chien de berger, petite canne à mouche de rivière en main, il s’approche de la rive au moment où il a vu que je l’ai repéré. De la rive il me demande avec quelle mouche de pêche. Je finis par lui faire comprendre que je pêche en sèche, « on the top !» - en surface ! -. Il a certainement vu que je prends poisson sur poisson et je comprends volontiers que la mouche que j’utilise puisse l’intriguer.
Un quart d’heure plus tard je sors de l’eau et je prends contact avec ce pêcheur à la mouche. Harris est anglais et vient régulièrement pêcher et randonner dans cette région. Je lui dis être français, breton précisément, et il me raconte ses voyages dans les côtes d’Armor, Concarneau et sa ville close, Le Faouet.
Le personnage est enjoué et fort sympathique. Je lui offre une mouche carotte pour poursuivre son périple autour du Loch Laidon et de la Gaur River.
Alors qu’il tourne des talons, je le rappelle :
- Hey Harris, it’s name is « the carot fly » !
- Hey Harris, son nom est la « mouche Carotte » !
Harris me regarde avec malice et s’exclame avec un large sourire :
- Yes , Christian, the French Carot dry fly ! Thanks a lot !
- Oui, Christian, la mouche sèche, la Carotte française ! Merci beaucoup !
…et je l’entends s’éloigner, en s’adressant à son chien :
- The French Carot fly ! The French Carot Fly !...
Un sacré type, arrisH Harris !
Les oies de Dubh Lochan
Décidément il s’est passé beaucoup de choses au Dubh Lochan !
Vers 10h00 un vol d’oie d’une dizaine d’individus me survole et amerrit sur un banc de sable au sud du plan d’eau. Quelques instants plus tard un second vol rejoint le premier, puis un troisième.
On ne peut pas dire qu’elles brillent par leur discrétion. Elles cacardent bruyamment jusque leur atterrissage. Ensuite elles se font plus discrètes, occupées à brouter les herbes du Loch.
C’est un peu plus tard, arrivé au gîte que je vais faire le lien entre les crottes observées sur les rives et les empreintes de cervidés qui les accompagnait.
En effet, sur le web un internaute canadien explique que les crottes des oies sont de véritables gourmandises pour les cervidés. Les oies ont un système digestif très peu efficace ce qui les oblige à manger énormément de végétation pour subvenir à leur besoin. Leurs crottes sont donc un concentré de verdure qu’affectionnent les cervidés qui viennent s’en délecter.
La rivière Glass, affluent de la Beauly
C’est en visitant le Glen Affric, un parc naturel à 25 km à l’ouest du gîte de Drumnadrochit, sur les bords du Lochness , que je découvre la rivière Glass. J’ai compris que la rivière Glass est ainsi nommée à partir de Cannich, à partir de la confluence de la rivière Affric de la rivière Cannich. Plus bas encore la Glass rencontre la rivière Farrar et toutes 2 donnent naissance à la réputée Beauly qui s’écoule sur environ 10km jusque l’estuaire de la rivière Ness.
J’ai sans doute pêché sur la rivière Affric, juste à l’amont de cette confluence. Cette rivière descend de la Glen Affric, une vallée encaissée pour s’étaler dans la vallée de Cannich. Dans cette vallée de Cannich elle change plusieurs fois de visage et reste toujours d’une grande puissance.
J’avais obtenu mon permis de pêche à Kerrow House, pour arpenter les 3,5 miles de rives (5,6km). Brigit, la propriétaire de la rive droite m’avait conseillé la sauterelle pour aguicher mes partenaires de jeu.
La Glass est une très belle rivière. Dans le haut du parcours elle sort d’une gorge assez étroite sous le petit village de Tomich, pour atteindre 500 m plus bas un méandre dans lequel une usine hydroélectrique déverse l’eau de ses turbines à partir du milieu de la matinée. La rivière monte alors d’une trentaine de centimètres. Ce phénomène m’a paru dommageable pour la pêche.
Sous le pool de la centrale, le linéaire est plutôt rectiligne et rapide. Je ne l’ai pas pêché, avec regret. Une longue canne, un train de noyées…
Plus bas la rivière s’évase sur un large parcours aux eaux profondes, trop profondes pour le wading. Là c’est un coin à gros poissons !
Le raide aval conduit au coin que j’ai pêché (beat n°1).
La première matinée de pêche sur cette nouvelle rivière… La Glass.
Vous saurez imaginer mon engouement à m’équiper dans la cours de Kerrow House ce matin-là. Je check, je n’oublie rien, et me voilà comme à l’habitude, sur la rive, face à la rivière, à construire mon bas de ligne de la matinée. La rivière est bien dégagée, le wading est facile, mon bas de ligne sera long et je termine en 14/100ème. L’eau est un peu teintée ce qui n’est pas étonnant car la veille nous avons eu une bonne journée de pluie. Le vent se fait sentir par moments et quelques gouttes éparses tombent.
Pendant la mise au point de mon équipement je n’ai pas aperçu de gobage. Pas de mouches non plus. Alors je m’en remets à nouveau au Drag Sedge. Mes premières dérives ne donnent rien. Je descends de 50m.
Un premier gobage au beau milieu de la rivière. Je m’enfonce dans l’eau jusqu’à la taille en assurant mes pas. La truite gobe toujours. J’ajuste mon lancer, j’allonge… posé… dérive… gobage, ferrage… Elle est au bout. Pas très grosse, 25cm, mais elle se bat très bien dans le courant. Je la ramène rapidement pour la relâcher avec les honneurs qui s’imposent. C’est la première de la Glass.
Ce matin-là je pêcherai une dizaine de poissons pas bien gros.
Ce sera ma meilleure performance sur la Glass : Les jours qui suivront, le temps est plutôt beau et les poissons peu actifs.
J’ai juste vécu un évènement, que je vais vous raconter, au moment où je prononçais « fin de chantier Ecosse », un midi au moment de partir.
Je remontais la rive droite pour revenir à ma voiture. La centrale hydroélectrique était ouverte et lâchait son courant surabondant. Pourtant à la fin du grand plat profond au niveau du manoir de Kerrow, des gobages… Réguliers, fréquents… Une dizaine de poissons en activité.
Je remonte ma canne et le Drag Sedge. Non, elles n’en veulent pas. Il y a forcément une éclosion qui les captive. Je pense à des midges, des chiros, des fourmis, de petits insectes noirs dans la pellicule. Je noue une fourmi à mon bas de ligne. Pas facile de lancer, je suis face au vent qui s’exprime sensiblement.
Finalement 2 truites de 20 cm se laisseront tenter par la fourmi. Je pense que l’insecte en vue était différent, mais je ne l’ai pas clairement identifié.
Fin de chantier sur la Glass, après 4 sessions finalement assez peu productives. Mais quelle belle rivière !
Fishing Tackles
Il y a écrit sur ces magasins « Articles de pêche ». Difficile de rester lécher la vitrine sans y rentrer, pour voir !
House of Bruar : Un centre commercial à côté de Pitlochry. Ambiance très british, tweed, raffinée. Le magasin de pêche vend du Hardy, le haut de gamme, les cannes Greys (ce que Redington serait à Sage), Orvis, GuideLine, Simms… bref des marques qui sonnent aux oreilles des pêcheurs avertis. Un large éventails de mouches saumon, brochets et truites.
Grahams of Inverness : Au pied du château d’Inverness, ce magasin Chasse & Pêche est une véritable caverne d’Alibaba. Du matériel de montage Mouches aux cannes et moulinet saumon (la rivière Ness est à 200m du magasin). L’habillement technique… Bref, tout est là !
Elgol sur l'île de Skye
Consacrer une journée à la découverte de l’île de Skye (« l’île dans les nuages ») est de l’ordre de l’impossible. Cette île, liée au reste de l’Ecosse par un pont, s’enfonce vers l’Ouest sur 80km dans la mer des Hébrides. Son relief très accidenté, des points culminants à 1 000m, des cirques immergés, des falaises, les landes, des fonds de lochs entre varechs et eaux douces ; Skye séduit par son caractère sauvage et indompté. Après avoir quitté la route principale qui traverse l’île du Sud-Est vers le Nord-Ouest, les routes secondaires sont à une seule voie. Des aires d’attente (à gauche) permettent de se ranger pour laisser passer le véhicule qui arrive en face. Dès lors que la circulation est un peu dense, la durée des trajets s’allonge rapidement.
Notre choix s’était porté sur le petit port d’Elgol au sud de l’île. Après une petite heure de voiture pour parcourir la vingtaine de km à une seule voie, les midges d’Elgol nous ont accueilli avec férocité sur le parking au-dessus du port. Sur les galets de la crique d’Elgol, au pied de l’école primaire, les insectes étaient beaucoup moins affamés.
Elgol, un embarcadère limité à une petite digue de 50m de long, est le point de départ de visites en bateaux rapides vers le cirque immergé des Cuillins Hills. Des hauteurs à plus de 900 m qui baignent immédiatement dans la mer.
En observant ce manège incessant des navettes, je remarque à la surface de l’eau une activité peu banale. Des chasses d’alevins assez impressionnantes à une vingtaine de mètres de la plage de galets où je me tiens. Ces chasses sont parfois aussi très proches du bout de la jetée.
Ni une, ni deux, je retourne à la voiture chercher ma canne à mouche et mes mouches mer. A mon retour les chasses sont toujours actives.
Finalement je vais me retrouver au bout de la jetée. Le spectacle est impressionnant : Dans le premier mètre sous la surface, un énorme nuage noir d’alevins de 5/6 cm de long couvre toute la longueur de la jetée et s’étale sur une dizaine de mètre de largeur. Une manne pour les prédateurs. Mais qui sont donc ces prédateurs ? Je ne les ai pas encore identifiés.
Je vais avoir ma réponse dans une fraction de seconde. Au bout de la jetée je fouette sans savoir ce que je suis susceptible de capturer. La mer qui est d’huile, lève soudain une petite vague qui va recouvrir les quelques mètres du bout de la cale en pente douce. La vaguelette emmène avec elle également une pelletée d’alevins qui vont se retrouver au sec dans les instants qui suivent. Mais ils ne sont pas seuls : J’ai également vu surgir de dessous de ce nuage d’alevins une horde de prédateurs sans foi ni loi, des maquereaux avides qui ont suivi le mouvement des alevins dans la vaguelette également.
Bref, la vaguelette a déversé sur la cale les alevins et leurs prédateurs, et tout ce petit monde s’est retrouvé au sec dans la seconde qui suivait le retrait de l’eau. Quelques dizaines d’alevins et 5 ou 6 maquereaux sont à mes pieds, juste à ramasser !
Mon esprit « no-killer » a instinctivement pris le dessus et je me suis refusé le privilège de récupérer cette bande de zébrés complètement timbrés. La vague suivante a emporté le tout.
Je reprends mon action de pêche et je vais finir par attraper un de ces malotrus à la mouche. Il est gavé d’alevins à un point que de petites têtes et de petites queues dépassent de sa gueule qui en dégorge de partout. Celui-là je le garde pour le déguster. Un maquereau de la mer des Hébrides !
La rivière Ness à Inverness
Rappelez-vous, j’avais rencontré un matin le propriétaire de Kerrow House. Il partait à la pêche au saumon sur la Ness.
Cette rivière sort tout droit du Lochness. Puissante elle traverse la ville d’Inverness, baignant les pieds du château du shériff. Cette rivière est fréquentée à prix d’or par les pêcheurs de saumons qui s’efforcent d’accrocher le poisson-roi en pleine ville. J’ai compris qu’un peu plus en amont, le long de sentiers de randonnée, les beats de pêche sont également prisés, et certainement un peu moins à la vue de tous.
Pour terminer, je vous souhaite « Tight Lines » (« ligne tendue »), expression que les pêcheurs utilisent pour se souhaiter « bonne pêche ».
Salut les Moucheurs.
Christian