Les circonstances de cette rencontre restent assez remarquables et j'ai tenu à vous relater l'évènement.
Le contexte particulier est lié à la météo vécue en ce week-end prolongé jusqu'au 15 août.
La scène se passe sur les bords du Goyen.
Les conditions en ce lundi 13 août :
- Il n'a pas plu depuis quelques jours et l'eau est très claire.
- Il fait beau mais le vent est fort. Une dépression bien creuse est annoncée pour la nuit (force 7/8 sur la côte),
- Les conditions solunaires sont très favorables, liées à la nouvelle lune du moment.

J'en profite pour vous annoncer que nos apparitions répétées et remarquées, la vie de loup que nous avons mené jusqu'à présent sur le Goyen, ont peut-être engendré une prise de conscience de l'AAPPMA que le Goyen pouvait être une rivière intéressante pour les moucheurs.
Voici ce que j'ai découvert cette année au pont de Lesvoyen :

Il est vrai que c'est un parcours intéressant car technique. Le Goyen à ce niveau-là est un ruisseau pas bien large, entre 1 et 3 mètres et souvent encombré.
Le parcours mouche idéal se serait situé au-dessus de la sation d'épuration de Kermaria. Mais là c'est le domaine privilégié des pêcheurs de saumons. La rivière y est beaucoup plus large. Un ruisseau conséquent se déverse au niveau de Larrin.
Mais revenons à l'histoire...
Ce lundi 13 août donc, les truites sont hyper-méfiantes et je comprends vite que le wading est exclu.
Pêcher de la rive avec une eau aussi claire est également compliqué car je suis repéré à 20 m. Je redouble d'attention, j'approche les rives à pas de loup et je fouette derrière les hautes herbes.
Elles sont méfiantes, mais une faim de loup les faits bondir de leur poste.
C'est ce que fit cette truite pas vilaine : Je remontais la rivière de quelques mêtres, scrutant les pools. L'eau limpide me permettrait d'apercevoir au moins leur ombre louvoyant sur le fond. Et, quand on parle du loup, on en voit la queue...
Cette dame semblait calée au plus profond de l'entrée du pool.
Je recule de quelques pas, je me poste derrière les herbes du bord, et je fouette énergiquement en boucles de soie serrées pour rentrer dans le vent fort qui arrive de face. Ma mouche "pheasant tail parachut" tombe exactement où elle devait tomber, entre une branche qui traine dans l'eau à droite et une grosse ronce qui me guettait à gauche.
La truite monte comme une balle, se jettant dans la gueule... du loup. Gobage parfait !
Elle se défend quelques secondes dans le pool et je la cueille doucement sur le bord.
26 cm de fario rondelette, pure souche.

Entre chien et loup, je ne vais pas faire grand chose. Le vent est monté d'un cran. Je rentre au bercail assez tôt pour ne pas me faire traiter de loustic.
Toute la nuit du lundi au mardi il va tomber des cordes. Le mardi matin je tente une sortie. Je suis sous les cordes ! Et les truites se sont planquées. La rivière est à ras bord. Pas la peine d'insister.
La nuit du mardi au mercredi le vent souffle encore et la pluie a censé.
Le mercredi matin je retente au-dessus du parcours mouche, dans la prairie de Lesvoyen.
Le vent soufle en rafales. L'eau semble rouge, comme au mois de mai quand le niveau est encore haut et l'eau légèrement teintée.
Pas de gobage. Je tente en nymphe à bille dans les pools. Les tiréezs se succèdent, les petites aussi.
J'en suis à une dizaine quand j'aperçois le personnage.
L'homme descend la rivière. Un bonhomme de 70 ans, à l'allure alerte et au pas assuré, casquettes, bottes et surtout un pantalon kaki trempé jusqu'au gilet, il s'applique dans tous les pools, une longue canne à la main, une cuillère or au bout. Ses gestes sont assurés et précis.
Je vais pouvoir arrêter là, tout l'amont est grillé.
Puis c'est la rencontre :
Le pêcheur :
"Vous pêchez à la mouche ?"Moi :
"Oui, mais je ne prends que des petites !"Le pêcheur :
"Moi, je n'ai pris que des grosses. 38, 33 ,32 et une petite de 25".
Moi :
"38 !!! - Je m'étouffe ! -
C'est un beau poisson " dis-je stupéfait !
Le pêcheur :
"Oui, je les ai prise depuis le pont de Bronnuel"Moi : "
L'eau est belle ce matin, et elles sont de sorties". Le pêcheur :
"Oui, sur le Goyen je n'ai jamais rien pris aux vers, alors ce matin j'ai sorti la cuillère qui se voit bien. J'ai bien fait".Imaginez mon envie de voir une truite de 38 cm sortie du Goyen ! J'ose lui demander de voir ses beaux poissons.
Il sort un sac plastique de son très beau panier en osier et étale les truites au sol.
Le pêcheur :
"Elles sont belles n'est-ce pas ? C'est celle-là la plus grosse."Il me montre une truite de 28/29 cm, et 2 de 25/26, du gabarit de celle qui est en photo ci-dessus. Et enfin :
Le pêcheur :
"Celle-là n'est pas très grosse mais elle est maillée".Il me montre une truitelle de 18 cm !!!!
Là le vieux briscard fait un peu fort. Nous n'avons pas le même système de mesure, sans doute un problème d'étalonnage.
Moi :
"Celle-là est un peu petite quand même !" C'est tout ce que je serai capable de lui dire, un peu soufflé ...
Il ne dit rien et rambale sa pêche, un beau panier il faut le reconnaître.
Hormis ce différent sur le système métrique, nous allons échanger sur l'état des eaux, sur ce moment que tous deux n'avons pas râté, lui avec davantage de réussite que moi. Il a en effet battu du terrain. Un bon kilomètre de prairie sans cuissardes qu'il avait oubliées à son domicile à Douarnenez.
Nous échangeons également sur la qualité des ruisseaux et rivières alentours (l'Odet Lestonan, la rivière du Ris, la rivière de Pont-l'Abbé...).
Finalement je vais le reconduire jusque son véhicule dessous la ferme de Bronnuel.
C'est à ce moment-là qu'il me déclare être un ancien "lieutenant de Louveterie". 32 ans de service en 6 mandats de 6 années.

Il m'explique la qualité de ce sacre que j'ai retrouvé également sur ce site Web :
http://www.loubet.fr/loup-france.htmlC'est une fonction bénévole qui a pour mission de répondre aux doléances des habitants des contrées de Douarnenez , Audierne et du sud du pays bigouden, pour des attaques de poullailers par des renards, des méfaits de sangliers, et non plus de loups ...En définitive il organisait des battues hors saison de chasse.
Vous comprendrez que ce vieux loup connait la région comme sa poche et m'a rapporté que ... Chuut !...
Nous nous quittons chaleureusement.
Je retiens sa stratégie de battre du terrain vers l'aval pour augmenter les chances de surprendre une belle truite. Alors que pendant ce temps je peignais la rivière à la loup-pe. Et puis son parcours à Lesvoyen est plutôt sympa, avec un retour accéléré à sa voiture par un chemin d'exploitation. Il m'a fortement recommandé le parcours. Mais ce sera pour l'année prochaine.
Et aussi je voudrais déterminer ce qui peut être le plus efficace en pêche dans des conditions de décrue comme je viens de vivre : Noyée, nymphe, streamer ?
Dans les romans de Tony Burnand, l'auteur n'hésite pas à diversifier ses moyens de pêche en fonction des conditions climatiques et des eaux. Est-ce l'exemple à prendre ? Y a t-il une alternative "mouche" à la pêche à la cuillère en de telles conditions ?
Salut les moucheurs.